Humour américain (si, si, il y en a)
Karl Marx sur le point de démissionner et d’abandonner son héritage pour inconduite sexuelle
La doctrine de la lutte des classes et l’internationalisme communiste sérieusement menacés
Oleg Atbashian - Frontpage Mag - 11.12.2017
Père du socialisme scientifique et figure charismatique pour beaucoup de dirigeants démocrates, Karl Marx vient d’annoncer qu’il démissionnait de ses fonctions de penseur-phare et qu’il demandait pardon à ses partisans, surtout aux femmes, les priant d’oublier sa doctrine de la lutte des classes et du communisme international, suite aux allégations d’abus sexuels sur la personne de sa servante et de conspiration criminelle pour tenter d’étouffer l’affaire.
Dans son communiqué, l’auteur du Manifeste du Parti Communiste a déclaré : « Cette décision ne me concerne pas. Elle concerne tous les travailleurs du monde. Il est évident que je ne puis pas continuer à m’occuper à la fois de mon histoire d’abus sexuels (dont je ne me souviens pas tout à fait de cette manière) et rester le dirigeant messianique efficace des opprimés, dans leur lutte contre l’exploitation capitaliste ».
Marx a poursuivi : « En ma qualité de mâle hétérosexuel cisgenre*, j’ai trompé ma femme, agressé sexuellement ma servante et abusé de mon pouvoir et de mes privilèges pour brimer les femmes et leur faire du mal. J’estime par conséquent que je n’ai plus le droit ni l’autorité morale qu’il faut pour défendre ma philosophie de la victimisation de classe, pour inciter à la haine de classe, provoquer de violentes révolutions anti-bourgeoises et instaurer la dictature du prolétariat ».
La pression sur le leader des masses exploitées pour obtenir sa démission n’a cessé de s’accentuer, surtout depuis que le New York Times a révélé comment M. Marx, époux et père de trois enfants, a longuement exploité sexuellement la bonne de la famille, Helen Demuth. Craignant de perdre son emploi dans une économie capitaliste volatile, Ms Demuth a cédé au harcèlement sexuel de son employeur. Ce qui avait commencé par des attouchements et des pelotages inappropriés s’est bientôt transformé en ce qu’il est convenu de qualifier légalement d’agression sexuelle sur un lieu de travail, agression qui s’est poursuivie quotidiennement pendant des années au foyer de M. Marx, où résidaient également Mme Marx et leurs trois filles.
De gauche à droite et de haut en bas : L’abuseur, la victime, l’épouse et le complice
Selon le New York Times, l’agression sexuelle répétée de Ms Demuth par son employeur, aggravée par l’inexistence de services de santé corrects pour les femmes a eu pour résultat la naissance d’un enfant mâle. Craignant que celle-ci ne détruise sa réputation de rebelle à la morale bourgeoise, Karl Marx a organisé une conspiration pour occulter à la fois l’affaire et le bébé. Il a eu pour complices son ami et proche collaborateur Friedrich Engels et Ms Demuth, victime impuissante, assez intimidée pour se laisser réduire au silence par des hommes en position de pouvoir.
La conspiration a consisté à abandonner l’enfant, Freddy Demuth, qui a fini comme tant d’enfants sans père livrés à l’adoption dans les grandes villes. Lorsqu’elle a découvert la vérité, la femme de Karl Marx, Jenny Marx, s’est suicidée. Leur fille, Laura, s’est tuée quelques années plus tard.
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*Aux USA, on qualifie de « cisgenre » une personne dont le sexe de naissance, le corps et l'identité personnelle coïncident. Chez les ploucs d'Europe, on dirait « normal », mais pour combien de temps encore ?
Source : https://www.frontpagemag.com/fpm/268677/karl-marx-resign-ditch-legacy-due-sexual-oleg-atbashian
Traduction : c.l. pour Les Grosses Orchades
Bribes d’histoire non revues et corrigées
Jenny Marx est morte le 2 décembre 1881, à 67 ans, d’un cancer du foie.
Karl Marx s’est éteint dans son fauteuil, en 1883, à l’âge de 65 ans. Il est enterré auprès de sa femme.
Humour anglais : depuis 2015, la visite de sa tombe est payante : il en coûte de 4 (pour les pauvres ?) à 6 £ Sterling.
Jenny Marx-Longuet, aînée des trois filles Marx, est morte le 11 janvier 1883 à Argenteuil, à l’âge de 38 ans, probablement de la tuberculose. Elle a été l’épouse du communard Charles Longuet, à qui elle a donné une fille et cinq garçons, dont les plus connus sont Edgar et Jean Longuet (qui fut un dirigeant socialiste français du temps qu’il y en avait).
Jenny Laura Marx, deuxième fille du couple et épouse du Français Paul Lafargue (auteur, notamment, de l’Éloge de la paresse), est morte à 66 ans, le 25 novembre 1911, à Draveil, France, dans un pacte de suicide avec son mari. Ils sont enterrés ensemble à Paris, au cimetière du Père Lachaise (division 76), face au Mur des Fédérés.
Jenny Julia Eleanor Marx, la cadette, s’est suicidée à Londres le 31 mars 1898, à l’âge de 43 ans, après avoir découvert que son compagnon de longue date, Edward Aveling, non content de la couvrir de dettes, avait secrètement épousé une jeune actrice.
Frederick Lewis Demuth est né à Dean Street. Sa mère Helene (“Lenchen”) Demuth était une amie de Marie Lewis, qui travaillait dans cette rue comme femme de ménage. Marie vivait non loin des Marx, dans un quartier de taudis de Wych Street. C’est elle qui a adopté l’enfant d’Helene et qui a reçu, de Friedrich Engels (lequel a plus tard reconnu officiellement en être le père), une pension alimentaire par l’intermédiaire de sa gouvernante.
Après la mort des Marx, Helene Demuth, désormais sans emploi, est allée vivre chez Friedrich Engels, dont elle est devenue la gouvernante jusqu’à sa propre mort en 1890. Lui a succédé à ce poste une certaine Louise Freyberger, que l’on a fait venir de Vienne. Friedrich Engels avait alors 70 ans. Il est mort cinq ans plus tard.
La légende de la paternité adultérine de Karl Marx est née de la découverte, en 1961, d’une lettre datée de 1898 (trois ans après la mort d’Engels) de Louise Freyberger – qui n’a jamais connu aucun des protagonistes en dehors d’Engels septuagénaire – dans laquelle elle prétend avoir recueilli, de son patron mourant, l’« aveu » selon lequel Freddy Demuth serait le fils naturel de Karl et non de lui-même. Cette lettre se trouve à l’Institut d’Histoire Sociale d’Amsterdam. Auguste Bebel, à qui il semble qu’elle fut adressée, n’en a jamais fait mention. Ni personne d’autre. Et Louise Freyberger elle-même n’y a plus une seule fois fait allusion, mais cette étrange missive fait, depuis un demi-siècle, les beaux jours de la propagande anti-marxiste.
Étant donné les mœurs et habitudes sociales du temps, il est remarquable que Karl et Jenny aient gardé la mère célibataire à leur service, ceci s’expliquant par non seulement leurs principes mais leurs liens très anciens, puisque Helene faisait déjà partie de la maisonnée des von Westphalen avant le mariage de Jenny.
« On » a dit qu’Engels n’avait reconnu l’enfant que pour écarter des Marx l’ombre que pouvait leur porter une rumeur selon laquelle Karl en était le père. Mais « on » ne se livre ainsi qu’à des spéculations gratuites, sans l’ombre d’une preuve.
Il n’existe pas, à notre connaissance, de portrait de Freddy Lewis Demuth.
On sait qu’il a été ouvrier tourneur et, plus tard, ouvrier d’imprimerie à Fleet Street. Qu’il a vécu dans les Peabody Buildings de Great Wild Street (block C) jusqu’à sa mort en 1929. Qu’il a laissé le souvenir d’un homme paisible, excellent ouvrier et syndicaliste convaincu.
On sait que lorsqu’il était enfant, sa mère adoptive l’avait emmené souvent visiter non seulement sa vraie mère mais les filles de Karl et Jenny à leur maison de Camden.
On sait que Laura Eleanor écrivait souvent à Freddy, mais aucune des trois soeurs n’a jamais parlé de lui comme d’un demi-frère.
Tout ce qu’il y a de sûr, dans cette histoire, c’est que les filles de Karl et Jenny Marx et le fils d’Helene Demuth ont été tout au long de leurs vies, des militants socialistes fortement engagés. On sait d’ailleurs que, lors d’un de ses passages à Londres, Vladimir Lénine a logé chez Freddy Demuth, dont il connaissait les convictions et les activités.
D’une remarquable étude de Terrell Carver (de l’Université de Bristol), qui a paru en 2005 (malheureusement en anglais), il ressort que le fils d’Helene Demuth peut avoir été le fils de n’importe qui, y compris de Karl Marx et de Friedrich Engels, mais que Karl Marx est le moins probable de tous les candidats à la paternité. Cette étude est trop longue pour que nous puissions vous la traduire ici, mais on peut la lire en ligne dans sa version originale :
Gresham’s Law in the World of Scholarship
https://marxmyths.org/terrell-carver/article.htm
Contribution involontaire de Mermet et de Là-Bas si j’y suis à nos célébrations :
À LIRE :
Sous la direction de Jean-Numa Ducange et Antony Burlaud, Marx, une passion française, La Découverte, 2018, Paris.
Karl Marx et Friedrich Engels, Manifeste du parti communiste, 1848, Londres.
Karl Marx, Les Luttes de classes en France, 1850. Éd. Folio.
Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1852.
Karl Marx, Le Capital. Critique de l’économie politique, 1867, Paris.
Karl Marx, La Guerre civile en France, 1871
À VOIR :
Raoul Peck, Le Jeune Karl Marx, 1h58, 2017
Victoria Mercanton et Marguerite de la Mure, La Révolution de 1848, 20 minutes, 1949.
Contributions… La nôtre :
Jean-Pierre GARNIER
Le Grand-Guignol de la gauche radicale
Paris, Éditions critiques, 2018.
Présentation de l’éditeur :
Ces chroniques politiques à l’humour féroce et à l’ironie corrosive dénoncent la vacuité d’une gauche prétendument contestataire.
L’enlisement de Podemos, l’échec de Nuit Debout, la grandiloquence des maîtres à penser de la contestation, ne sont-ils pas les symptômes dérisoires d’un mouvement progressiste qui a perdu ses repères ?
Traiter du grotesque par le burlesque en déployant une analyse sociologique rigoureuse permet de remettre au cœur du débat les enjeux décisifs que sont la lutte des classes, le dépassement du capitalisme et la résistance à l’impérialisme.
Jean-Pierre Garnier est sociologue et urbaniste.
La critiaque marxiste-burlonisque – Jean-Pierre Garnier
Une pièce écrite en français, introuvable en France :
Curzio Malaparte
Das Kapital
Pièce en trois actes
Paris, Théâtre de Paris, 29 janvier 1949
Édition de 1949 depuis longtemps épuisée.
Curzio Malaparte
Das Kapital
Du côté de chez Proust
Roma-Milano, Aria d’Italia, 1951.
366 pages
Quelques mots sur une pièce consacrée à Karl Marx, qui n’a plus été représentée depuis 1949.
[Nous avons déjà évoqué Du côté de chez Proust, la pièce en un acte écrite à la demande de Pierre Fresnay pour « mettre en valeur la beauté et le talent d’actrice mais aussi de chanteuse d’Yvonne Printemps ».]
L’auteur est un homme qui connaissait bien l’œuvre de Marx ; qui avait vu de près la Révolution d’Octobre ; qui, en octobre 1922 à Rome, écrivait : « nous, jacobins… » ; qui avait ensuite côtoyé, à Moscou, ceux qu’il considérait comme les nouveaux thermidoriens (bonapartistes ?). On lui doit aussi Le bal au Kremlin, où s’exprime son respect pour certains, sa fascination pour d’autres et son mépris pour la plupart de la – déjà – nomenklatura des parvenus.
Son Das Kapital est une drôle de pièce, où s’opposent une fois encore la charité chrétienne au besoin de justice. Vieux débat qui avait poussé, bien avant 1789, Jean-Joseph Fyon, tout jeune maire de Verviers (en principauté de Liège) et futur général républicain plus tard babouviste, à enlever les orphelins de sa commune à la tutelle de l’Église et à la charité de ses fidèles, pour les placer « sous la responsabilité et à la charge de tous ». Démarche qui serait reprise quasi trait pour trait en 1793 par Michel Lepeletier de Saint-Fargeau et Robespierre, avec leur trop méconnu Plan d’Éducation Nationale.
Il est évident, en dépit d’une réputation de cynisme et de caméléonisme qui reste à prouver, en dépit surtout d’une grande et persistante violence italienne à l’égard du pouvoir temporel de l’Église, que Malaparte, grand admirateur de Voltaire qu’il a rêvé d’égaler, a été profondément chrétien. Chrétien réformé à l’allemande, au sein d’une famille devenue entièrement catholique : ce réputé grand séducteur ne voulait pas d’enfants mais ne supportait pas que l’on touche aux fœtus (incidemment, Céline non plus).
On voit, dans sa pièce, Karl Marx faire venir du pays de Galles des petites filles qui ont subi, dans les mines où elles travaillent, des violences innommables de la part des ouvriers mineurs adultes. Il veut les faire témoigner. Devant qui ? Quelques émigrés français, qui ne pensent qu’à regagner Paris pour combattre Badinguet et qu’il veut dissuader de le faire. (Ce passage donne lieu à une scène très curieuse où le petit « Musch » Marx, qui est mourant, sort de son lit pour venir échanger des paroles et des regards que personne ne comprend avec une des petites filles. Fantasmes de Malaparte.)
L’auteur oppose (victorieusement, faut-il le dire) aux deux « matérialistes » Marx et Engels, un improbable Anglais pertinemment nommé Godson, qui n’est autre évidemment que lui-même, et qui se fait le champion de « la charité de Dieu » contre la justice des hommes, dont les entreprises finissent toujours si mal.
La faiblesse de l’œuvre vient de là : quand on se fantasme vainqueur d’un débat, il est rare qu’on mette dans la bouche de ses adversaires des arguments-massues ou même élégamment tournés. Les réparties de Karl et Friedrich sont ici d’une affligeante pauvreté, voire débiles. Si on ne les connaissait par ailleurs, on se demanderait où il est allé chercher ces neuneus. Mais ses préoccupations sont sincères, comme elles le seront plus tard dans son film Le Christ interdit, où il reviendra au grand questionnement des chrétiens sur le pardon et la rédemption.
C’est Pierre Dux qui a eu la tâche ardue de donner consistance à un Karl du genre bière sans alcool, tandis que le jeune Alain Cuny faisait à ses côtés ses débuts remarqués d’acteur mystique. Débuts qui allaient se poursuivre, on le sait, par son rôle d’Antonio, dans Le Christ interdit, jusqu’à ce qu’il pose le pied sur la pente savonneuse de ses prouesses christicolo-claudéliennes.
Arrêtons de scandaliser les croyants, Marat disait qu’on n’a pas le droit !
Telle quelle, cette pièce témoigne d’un moment bien particulier de l’histoire des idées en Europe. Mais… « les idées en Europe »… vous parlez de quoi, là, au juste ?
Alain Cuny
Avec Raf Vallone, dans Le Christ interdit
Avec Laurent Terzieff, dans Tête d’Or
Mai 2018